Référé précontractuel : comment contester efficacement un appel d'offres ?

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Le 12 décembre 2025
Référé précontractuel : comment contester efficacement un appel d'offres ?
Contestez un marché public via le référé précontractuel. Délais impératifs, droits et stratégies pour maximiser vos chances de succès

Chaque année, des milliers d'entreprises voient leur offre rejetée dans le cadre de marchés publics, parfois dans des conditions contestables. Face à cette situation, le référé précontractuel constitue une arme juridique redoutable permettant de contester rapidement une procédure de mise en concurrence avant la signature du contrat. Maître Aouatef DUVAL-ZOUARI, spécialisée en droit public à Marseille, vous guide pas à pas dans cette procédure d'urgence qui peut faire la différence entre une éviction définitive et l'attribution du marché.

  • Agissez immédiatement après notification du rejet : en procédure formalisée, vous disposez de 16 jours (11 jours si notification électronique), mais en MAPA ou maîtrise d'œuvre non formalisée, aucun délai de standstill n'existe - agissez le jour même ou le lendemain
  • Notifiez simultanément votre recours au pouvoir adjudicateur et au tribunal : cette double notification conditionne votre capacité à transformer ultérieurement votre référé en référé contractuel si le contrat venait à être signé
  • Démontrez impérativement le lien de causalité entre le manquement invoqué et votre éviction : le juge peut sanctionner la dénaturation de votre offre, l'absence de contrôle d'une offre anormalement basse ou tout manquement vous ayant concrètement lésé
  • Votre recours reste recevable jusqu'à signature du contrat, même au-delà du délai de standstill : la signature du marché constitue le seul événement fermant définitivement la voie du référé précontractuel

Le référé précontractuel : votre recours d'urgence pour défendre vos droits

Le référé précontractuel, codifié aux articles L.551-1 à L.551-12 du Code de justice administrative, représente un recours spécifique visant à sanctionner les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Créé par la directive européenne du 21 décembre 1989 et introduit en droit français en 1992, ce mécanisme permet au candidat évincé de saisir le juge administratif pour faire rectifier la procédure et garantir le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse (sans nécessité de mettre en cause les entreprises concurrentes retenues, la procédure visant uniquement le pouvoir adjudicateur).

Les enjeux sont considérables pour votre entreprise. Au-delà de la simple contestation, ce recours peut aboutir à votre réintégration dans la procédure, à l'annulation de la décision d'attribution, voire à éviter un délit de favoritisme puni de deux ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende selon l'article 432-14 du Code pénal. Toutefois, le juge reste limité au contrôle des violations des règles de publicité et de mise en concurrence, sans pouvoir apprécier les mérites respectifs des offres.

La rapidité d'action constitue la clé du succès. Dès la saisine du tribunal, la procédure de passation est automatiquement suspendue jusqu'à la décision du juge, empêchant ainsi la signature du contrat. Cette suspension automatique représente votre principal atout pour bloquer une attribution contestable.

Exemple pratique : Une PME marseillaise spécialisée dans les travaux publics avait vu son offre rejetée pour un marché de réfection de voirie de 2,5 millions d'euros au profit d'une entreprise proposant un prix inférieur de 35%. Grâce à un référé précontractuel déposé dans les 11 jours suivant la notification électronique, l'entreprise a obtenu l'annulation de la procédure. Le juge a constaté que le pouvoir adjudicateur n'avait pas vérifié le caractère anormalement bas de l'offre retenue, qui ne prévoyait aucune provision pour aléas techniques alors que le chantier présentait des contraintes particulières liées à la présence de réseaux souterrains. La procédure reprise a finalement abouti à l'attribution du marché à la PME requérante.

Étape 1 : Vérifiez votre éligibilité et respectez les délais impératifs

Confirmez votre qualité pour agir

Selon l'article L.551-10 du Code de justice administrative, peuvent agir les personnes "qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué". Concrètement, vous êtes éligible si vous êtes candidat évincé, ancien titulaire du contrat en cours de renouvellement, ou même candidat potentiel dissuadé de soumissionner par des irrégularités manifestes.

Attention aux cas d'irrecevabilité : l'attributaire pressenti ne peut contester la procédure à laquelle il participe. De même, si votre offre a été définitivement jugée irrégulière par une décision juridictionnelle devenue définitive (y compris après reprise de la procédure suite à une première annulation, selon l'arrêt du Conseil d'État du 1er juin 2023, n° 468930), vous perdez votre intérêt à agir. Les sous-traitants peuvent, sous certaines conditions strictes, se voir reconnaître un intérêt à agir.

Respectez scrupuleusement les délais de standstill selon votre procédure

En procédure formalisée, vous disposez de 16 jours à compter de la notification du rejet pour agir, délai réduit à 11 jours en cas de notification électronique. Pour les marchés à procédure adaptée (MAPA), aucun délai de standstill n'est imposé au pouvoir adjudicateur : vous devez donc agir le jour même ou le lendemain de la réception de votre lettre de rejet. Il convient de noter que pour les marchés de maîtrise d'œuvre non soumis à procédure formalisée, le Conseil d'État a confirmé dans son arrêt du 13 mars 2025 (n° 498701) l'absence d'obligation de respecter un délai de standstill, même si le maître d'ouvrage en a mentionné un dans sa lettre de rejet.

L'arrêt du Conseil d'État du 12 juillet 2017 (Société Études Créations et Informatiques) apporte une précision importante : il n'existe pas de "délai raisonnable" pour former un référé précontractuel. Même trois mois après avoir eu connaissance du manquement, votre recours reste recevable tant que le contrat n'est pas signé. Un recours introduit au-delà des 11 ou 16 jours du délai de standstill mais avant la signature du marché reste donc parfaitement recevable, car seule la signature du contrat ferme définitivement la voie du référé précontractuel.

À noter : Ne confondez pas expiration du délai de standstill et forclusion du recours. Contrairement aux idées reçues, le dépassement du délai de standstill n'empêche pas le dépôt d'un référé précontractuel. Ce délai vise uniquement à protéger les candidats en interdisant la signature du contrat pendant une période minimale. Tant que le contrat n'est pas signé, même plusieurs semaines après l'attribution, votre recours reste recevable. Cette distinction est cruciale pour les entreprises qui découvrent tardivement des irrégularités ou qui ont besoin de temps pour constituer leur dossier.

Démontrez le préjudice subi ou potentiel

Depuis l'arrêt fondamental SMIRGEOMES du 3 octobre 2008, vous devez impérativement prouver le lien de causalité entre le vice allégué et le préjudice subi. Les vices de pure forme ne suffisent plus pour obtenir automatiquement l'annulation. Vous devez démontrer concrètement que vous aviez une chance sérieuse de remporter le marché et que l'irrégularité vous en a privé, même indirectement en avantageant un concurrent. Le juge vérifiera notamment que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu de votre offre en méconnaissant ou altérant manifestement ses termes, ce qui constituerait une violation du principe d'égalité de traitement (CE, 20 janvier 2016, n° 394133, CIVIS).

Étape 2 : Préparez et déposez votre recours devant le tribunal administratif

Identifiez précisément les manquements invocables

Le juge du référé précontractuel contrôle exclusivement les violations relatives à la publicité et à la mise en concurrence. Vous pouvez invoquer l'absence ou l'insuffisance des avis de publicité, la violation des principes d'égalité de traitement et de transparence, les irrégularités dans le rejet des candidatures ou des offres, ou encore la méconnaissance des critères d'analyse annoncés dans les documents de consultation. Le juge contrôle également l'erreur manifeste d'appréciation sur les offres anormalement basses, vous permettant de contester l'attribution à une offre manifestement sous-évaluée (CE, 1er mars 2012, n° 354159).

  • Publicité absente, insuffisante ou non conforme aux exigences réglementaires
  • Non-respect du principe d'égalité entre candidats
  • Rejet irrégulier de votre candidature ou offre
  • Attribution à une offre irrégulière ou anormalement basse
  • Modification des critères en cours de procédure
  • Dénaturation du contenu de votre offre par l'acheteur public

Rassemblez rapidement les informations essentielles

Malgré l'urgence, vous devez constituer un dossier solide. Demandez immédiatement au pouvoir adjudicateur les motifs détaillés de votre rejet et les informations sur l'attributaire. L'acheteur public dispose de 15 jours pour répondre, mais n'attendez pas cette réponse pour agir. Une requête même sommaire permet de bloquer la signature du contrat grâce à l'effet suspensif automatique. Vous pourrez ensuite compléter votre argumentation avec de nouveaux moyens en cours d'instance.

Saisissez le tribunal territorialement compétent

Le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu d'exécution du contrat. La procédure est gratuite et non soumise à droit de timbre. Vous pouvez déposer votre requête par fax ou via l'application Télérecours. Les clauses dérogatoires de compétence mentionnées dans les documents de consultation n'ont aucune valeur avant la signature du contrat.

Point crucial : vous devez impérativement notifier simultanément votre recours au pouvoir adjudicateur selon les mêmes modalités que le dépôt au tribunal. Cette notification conditionne votre possibilité de transformer ultérieurement votre référé précontractuel en référé contractuel si le contrat était signé en violation de la suspension. Sans cette notification simultanée, vous risquez que le marché soit signé par ignorance du pouvoir adjudicateur de l'existence du recours, ce qui ferait automatiquement tomber la procédure sans possibilité de transformation en référé contractuel.

Conseil pratique : Pour sécuriser votre procédure, envoyez systématiquement votre requête au pouvoir adjudicateur par lettre recommandée avec accusé de réception ET par courriel avec accusé de lecture, en conservant précieusement les preuves d'envoi. Mentionnez expressément dans votre courrier d'accompagnement que vous saisissez simultanément le tribunal administratif d'un référé précontractuel et que la procédure de passation est donc suspendue jusqu'à décision du juge. Cette transparence évitera tout malentendu et renforcera votre position en cas de signature irrégulière du contrat.

Bénéficiez de la suspension automatique de la procédure

Dès la saisine du tribunal, la procédure de passation est automatiquement suspendue conformément à l'article L.551-4 du Code de justice administrative. Le contrat ne peut être signé jusqu'à la notification de la décision du juge au pouvoir adjudicateur. Cette suspension représente votre première victoire procédurale. Si le pouvoir adjudicateur signe malgré tout le contrat pendant cette période de suspension alors qu'il était clairement informé de l'existence du référé, le juge peut prononcer une pénalité financière pouvant atteindre 20 000 euros (CE, 25 janvier 2019, n° 423159, BEAH).

Étape 3 : Suivez activement la procédure et optimisez votre stratégie

Participez obligatoirement à l'audience de référé

L'audience constitue une étape fondamentale de votre référé précontractuel. Le magistrat, confronté à l'urgence, n'a pas nécessairement pris connaissance de tous les échanges écrits. Il interroge fréquemment les parties pour obtenir des explications complémentaires et analyser les pièces essentielles comme le rapport d'analyse des offres.

Vous pouvez soulever de nouveaux moyens oralement lors de l'audience, à condition de les consigner ensuite dans un mémoire écrit. Bien que la représentation par avocat ne soit pas obligatoire, elle est fortement recommandée au regard de la technicité de la procédure. Les honoraires d'un avocat spécialisé varient généralement entre 3000 et 4000 euros HT, auxquels s'ajoutent des honoraires de résultat de 10 à 13% des gains obtenus. L'expertise en contentieux des marchés publics s'avère particulièrement précieuse pour maximiser vos chances de succès.

Anticipez la décision du juge dans un délai de 20 jours

Le juge dispose théoriquement de 20 jours pour statuer, mais le dépassement de ce délai ne le dessaisit pas. Ses pouvoirs sont considérables : annulation totale ou partielle de la procédure, suspension de décisions, suppression de clauses illicites, injonction de reprendre la procédure, réintégration du candidat évincé, prononcé d'astreintes.

Cependant, le juge peut décider de ne pas user de ses pouvoirs s'il estime que les conséquences négatives l'emporteraient sur les bénéfices au regard de l'intérêt public. Sa compétence reste limitée aux manquements aux obligations de publicité et mise en concurrence, sans pouvoir apprécier la valeur intrinsèque des offres.

Gérez les différentes issues possibles

En cas de rejet, vous disposez de 15 jours pour former un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État, sans effet suspensif. Si le juge annule la procédure, le pouvoir adjudicateur devra reprendre totalement ou partiellement la mise en concurrence. Les frais d'avocat remboursés varient généralement entre 500 et 2000 euros.

  • Si le contrat est signé pendant la suspension : transformation possible en référé contractuel (uniquement si notification simultanée respectée)
  • Si signature en violation du standstill : possibilité de nullité du contrat
  • Pénalité financière possible pour l'acheteur : jusqu'à 20 000 euros en cas de signature pendant la suspension

Exemple concret : Une entreprise de BTP avait saisi le juge des référés après avoir été évincée d'un marché de construction d'un gymnase de 4 millions d'euros. Le pouvoir adjudicateur, informé du référé par notification simultanée, a néanmoins signé le contrat trois jours après le dépôt du recours. Le tribunal administratif a non seulement annulé le contrat en référé contractuel (transformation automatique du référé précontractuel) mais a également condamné la collectivité à une pénalité de 15 000 euros pour violation délibérée de la suspension. L'entreprise évincée a finalement remporté le marché lors de la nouvelle consultation.

Évaluez votre stratégie contentieuse globale

Avant d'engager la procédure, analysez objectivement vos chances de succès. Le pouvoir adjudicateur cherchera à démontrer que votre offre était de toute façon irrégulière, inappropriée, inacceptable ou mal classée au regard des critères d'attribution. Anticipez cette défense en construisant une argumentation solide sur le lien entre le manquement et votre éviction. Même si vous démontrez des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, l'acheteur public peut faire échec au recours en prouvant que vous auriez été écarté pour d'autres motifs légitimes.

Le cabinet ADZ Avocat, dirigé par Maître Aouatef DUVAL-ZOUARI à Marseille, accompagne régulièrement les entreprises dans ces procédures complexes de référé précontractuel. Fort d'une double compétence en droit public et privé, le cabinet sécurise vos projets et défend efficacement vos intérêts face aux pouvoirs adjudicateurs. Pour toute entreprise confrontée à une éviction contestable dans la région marseillaise, une consultation rapide permet d'évaluer vos chances de succès et d'agir dans les délais impératifs imposés par cette procédure d'urgence.